Evolution des métiers et formation

L’évolution des métiers, pour une approche prédictive en formation.

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L’accélération de l’évolution des métiers, un vaste sujet depuis ces quinze dernières années. Mais quelles en seraient les causes ? Les évolutions techniques ou technologiques, une recherche de performance ou simplement le changement des modes de consommation des individus ?

QU’EST-CE QU’UN METIER ?

Tout d’abord, avant de parler d’évolution des métiers, il est intéressant d’observer qu’en français, le terme « métier » porte plusieurs sens.

  1. Le premier sens est certainement le plus ancien que l’on retrouve. C’est celui lié à la fonction, l’occupation, le service, le rôle ou la condition. D’ailleurs certaines expressions populaires perdurent toujours. Par exemple, « faire un métier d’homme » qui laisse entendre un métier à connotation masculine (au sens de la pénibilité, la force etc…). Certains métiers permettent même la confusion par leur nom. Par exemple le métier de sage-femme. Celui-ci n’a rien à voir avec le fait qu’il soit plus pratiqué par des femmes. Il désigne simplement, celui ou celle qui a la connaissance (sagesse) de la femme enceinte (physique et psychologique) ; ainsi bien qu’également pratiqué par des hommes le métier de « sage-homme » n’existe donc pas.
  2. Le second sens s’apparente à une occupation manuelle ou mécanique socialement utile, ainsi qu’à une occupation intellectuelle. Elle exige du travail et de la technique. La dimension du « socialement utile » est encore très présente, avez-vous déjà entendu : « et sinon tu as un vrai métier ? »
  3. Le troisième sens que l’on trouve, est celui de la reconnaissance sociale liée au travail . Ici le sens est lié à la rémunération acquise par le métier et au statut social.
  4. Enfin, le quatrième sens est celui de l’habileté, le savoir-faire, la technique acquise par l’expérience. Cette idée s’image parfaitement avec cette fameuse remarque : « on voit bien qu’il est du métier ». Ce principe de reconnaissance se retrouve aussi dans l’intitulé du métier. Par exemple Artisan et Maitre Artisan, Comptable et Expert-Comptable… Dans d’autres secteurs, un même métier est décliné en qualifications qui « critèrisent » l’expertise. Par exemple dans le secteur du bâtiment, le métier de coffreur se décline sous deux qualifications indiquant deux niveaux d’expertise. Parmi l’un d’eux, ouvriers qualifiés, nous trouvons encore 3 positions d’échelon : N2, N3P1, N3P2. Ce système cadrerait l’expertise sur différents axes dont la complexité des taches , des capacités personnelles d’organisation, ou encore l’autonomie. Pour autant, est-ce toujours le cas, aujourd’hui ? L’échelon, la nature ou le niveau de diplôme sont-ils les garants de notre niveau de compétence ? Voilà, une question qui pourrait nourrir un prochain article.

Pour résumé sur le métier , nous reprendrons LE BOTERF (2000), qui définit la notion par 4 grandes caractéristiques :

  • « Un corpus de savoirs et de savoir-faire » essentiellement techniques
  • « Un ensemble de règles morales » spécifiques à la communauté d’appartenance (exemple des comptables qui obéissent aux principes comptables, des médecins à leurs serments)
  • « Une identité » permettant de se définir socialement ( « je suis ingénieur(e) »…)
  • « Une perspective d’approfondir ses savoirs et ses savoir-faire » par l’expérience accumulée (apprentissage via la pratique et l’expérience ou learning by doing).

L’EVOLUTION DES METIERS

D’abord, repositionnons le terme « évolution » . Selon l’Encyclopédie, le terme évolution définit « l’ensemble des modifications graduelles et accumulées au fil du temps, affectant un objet, un être vivant, une population, un système (évolution du climat, évolutions historiques, évolutions économiques, évolutions sociales, évolutions linguistiques, etc.) ou encore la pensée (évolution des idées) et le comportement (évolution des mœurs) ».

En outre, si on considère les différentes caractéristiques qui définissent un métier, son évolution résulterait des éléments suivants:

  • recherche et développement,
  • processus de formation,
  • maitrise et perfectionnement des outils,
  • évolution des méthodes de travail,
  • expertise individuelle,
  • communication,
  • partage des compétences.

Depuis, les années 2000 avec le développement et la démocratisation des technologies, les métiers ont subi une évolution exponentielle que ce soit d’un regard technique ou dans les procédés.

Il est opportun de considérer l’évolution comme une succession d’actions interdépendantes. Par exemple pour le secteur du BTP, si l’on se base sur l’augmentation du nombre des ménages, la rénovation et l’adaptation du parc de logements au vieillissement de la population, la dépendance des personnes âgées ou encore le développement des normes règlementaires et environnementales, nous trouvons une multitude de sources de recherche sur l’évolution des métiers liés à l’architecture urbaine et ses infrastructures. L’expérience passée est aussi source d’évolution.

En effet, tout comme en 1912, la catastrophe du Titanic aura fait évoluer l’activité maritime, en 2020 l’épidémie COVID aura engendré l’accélération et la démocratisation de mesures spécifiques, comme le télétravail ou le déploiement massif de la formation à distance. Ainsi, des outils peu ou pas exploités jusque-là ont pu voir le jour.

Fort heureusement, les évolutions ne sont pas engendrées uniquement par la contrainte. En effet, depuis plusieurs années, de nouvelles fonctions telles que « responsable métier », ou de nouvelles pratiques « réunions métier » apparaissent. L’objectif étant de répondre à un besoin de repérage et de gestion de développement des compétences. La logique d’anticipation est donc en marche au cœur de l’entreprise.

A ce titre par exemple, la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES), au travers du groupe Prospective des métiers et qualifications, a publié en avril 2015 un rapport de 416 pages sur les métiers en 2022. Ce rapport met en perspective de 3 scénarios macroéconomiques, ainsi qu’un panorama des postes à pourvoir. Il note différentes évolutions dont:

  • La féminisation de certain métier,
  • Le paradoxe entre le nombre d’emplois à pourvoir (en création nette d’emploi) et les difficultés à recruter.

L’EVOLUTION DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Primo, Formation VS Éducation ? TANGUY (2005) propose une lecture éclairée sur la distinction des deux institutions. Contrairement à l’éducation, la formation est, depuis ses débuts, plus arrimée à l’économie car principalement portée par les branches professionnelles. Pour exemple, l’évolution de l’éducation, s’est souvent réalisée au terme de conflits politiques, qui ont imprimé des marques de neutralité et laïcité, objet de mobilisations sociales. A contrario, l’évolution de la formation se dessine plutôt dans un contexte de recherche de réduction des conflits sociaux et politiques.

En effet, la formation apparait comme un secteur où la coopération entre acteurs se réalise sans heurts importants, et dans une démarche d’intérêt général. Associées à la définition d’une économie compétitive, d’une modernisation de la société, de la mise en place d’institutions de participation et de dialogue social.

Pour reprendre Lucie TANGUY, « À la différence de l’école, qui fut une « affaire d’État », la formation a progressivement été élaborée comme l’affaire des “partenaires sociaux”, mais, sous l’impulsion et le contrôle constants de l’État ». Les différentes réformes connues, notamment celle de 1971 définissant les fondements de la formation professionnelle continue, puis 2014 instaurant le compte personnel de formation et plus récemment celle de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en sont des témoignages forts.

Par ailleurs, dès 1950, Raymond VATIER, Ingénieur des Arts et métiers, auteur de plusieurs ouvrages sur la formation en entreprises, donne une définition explicite sur le sens attendu : “perfectionnement, recyclage, adaptation, promotion”. Pour reprendre ses propos sur la vision de la compétence : « La compétence est la conjonction heureuse de ces trois termes : connaissances, aptitudes, bonne volonté. Cette compétence n’est jamais définitivement acquise, elle est menacée, elle est toujours à reconquérir et cette reconquête doit se faire parce que le poste change par suite de l’évolution technologique. De plus, le titulaire peut changer de poste et le titulaire lui-même se modifie…”.

Pour conclure sur cette mise en perspective entre Éducation et Formation, le modèle pédagogique des compétences dans le système éducatif n’apparait qu’en 1999 avec la publication de « la Chartre des programmes », dans laquelle il est établi que les contenus d’enseignement de l’école primaire au lycée doivent être redéfinis ; d’ailleurs, la notion de compétences y apparait constamment.

Ainsi, nous pouvons donc dire que c’est l’évolution de la formation professionnelle qui impulse l’évolution de l’éducation, renommée d’ailleurs depuis « formation initiale ».

LA FORMATION PROFESSIONNELLE : UNE DYNAMIQUE PREDICTIVE

Mais alors, de la même manière que l’on cherche à savoir qui de la poule ou l’œuf est arrivé en premier, on pourrait se demander :

Est-ce la formation qui fait évoluer les métiers ou, l’évolution des métiers qui fait évoluer la formation ?

En réalité, il n’y a pas de réponse tangible à cette question. En effet, la seule certitude à ce jour est que la formation est nécessaire dès lors que la pérennisation d’une activité apparait.

De plus, si l’on affirme que les métiers, répondent d’une manière générale à l’évolution des besoins (du monde), qui par définition est en constante mutation, alors nous pouvons dire que le contenu d’une formation s’enrichie à mesure que les métiers évoluent. Et, parallèlement, les métiers évoluent dès lors que les formations déployées autorisent et permettent une remise en question des pratiques.

Il s’agit bien là, d’une synergie entre l’évolution des métiers et celle de la formation.

Pour aller plus loin, une formation évolue également sur ses modalités, qui doivent s’adapter aux modes de communications et de consommation des apprenants. Pour reprendre l’exemple de la crise sanitaire, soyons bien conscient que celle -ci n’est finalement qu’un accélérateur de la digitalisation : télétravail, formations en distanciel.

Tout ceci pourrait apparaitre comme une réflexion sans fin, un questionnement inutile dont l’impact serait moindre. Eh bien non, détrompez-vous ! Cela démontre que la formation doit être un outil de progression, une promesse de valeur qui offre à chacun la possibilité de porter un regard nouveau sur son activité. Permettre à tous de définir “quel professionnel devenir”.

Enfin, c’est comprendre également pourquoi nous voyons apparaitre de nouvelles modalités pédagogiques, et un attrait pour les soft skills (compétences transversales). Car, en effet, dans un monde accéléré avec une tendance vers une obsolescence programmée des compétences techniques, les formateurs ne peuvent plus être simplement de « bons techniciens ».

 Le monde de la formation nécessite des Pédagogues avertis et en capacité de s’immerger au cœur de l’entreprise. Et voilà aussi pourquoi, la créativité et la possibilité « d’oser » doivent indéniablement être accordées en formation.

C’est dans cette dynamique et en ce sens que les formations deviennent prédictives et préparent aux métiers de demain.

Auteurs: Julien BELLAND, Ilhem HADEF

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POUR ALLER PLUS LOIN :

ANDERSON C., Makers. La nouvelle révolution industrielle, Pearson, 2012.

ARGOUARC’H J. et CALAVREZO O. (2013), « La répartitions des hommes et des femmes par métiers. Une baisse de la ségrégation depuis 30 ans », Dares Analyses, n° 079, décembre

BODÉ G. & MARCHAND P. (dir.) 2003 Formation professionnelle et apprentissage (XVIIIe-XXe siècles), INRP-Revue du Nord

BRUCY G. 1998 Histoire des diplômes de l’enseignement technique et professionnel (1880-1965), l’État, l’école les entreprises et la certification des compétences, Paris, Belin

Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) (2009), Rapport sur les trajectoires et les mobilités professionnelles, septembre

DE SAUSSURE F., Cours de linguistique générale, 1916

FRITSCH P. 1971 L’éducation des adultes, Paris, Mouton

LATREILLE G., La Naissance des métiers en France (1950-1975), Étude psycho-sociale, Presses Universitaires de Lyon, Éditions de la Maison des Sciences de L’homme, 1980 (ISBN 2-7297-0088-9)

LECOINTRE G. et LE GUYADER H., Classification phylogénétique du vivant, Belin (plusieurs éditions), 2006 (ISBN 978-2-7011-4273-9)

POITRINEAU A., Ils travaillaient la France : Métiers et mentalités du XVIe au XIXe siècle, Armand Colin, Paris, 1992

Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications – « les métiers en 2022 » – avril 2015

TANGUY L. 2002 “La mise en équivalence de la formation avec l’emploi dans les IVe et Ve Plans (1962-1970)”, Revue française de sociologie-43-44, 685-709

TRAVAIL ET EMPLOI 2001, 86, “Jalons pour une histoire de la formation professionnelle en France”

LES QUESTIONS FRÉQUENTES

FAQs

L’approche prédictive en formation consiste à anticiper les évolutions des métiers et les compétences qui seront nécessaires à l’avenir pour proposer des formations adaptées.

Pour mettre en place une approche prédictive en formation, il faut réaliser une veille sur les évolutions du marché de l’emploi, identifier les compétences clés pour chaque métier, etc.

Les avantages d’une approche prédictive en formation sont nombreux : une meilleure adéquation entre les compétences des collaborateurs et les besoins de l’entreprise, une anticipation des évolutions du marché, etc.